Feedback : adoptez un état d’esprit tourné vers le « give back »

Entretien avec Olivier Rozier, vice-président des Ressources Humaines Amérique du Nord pour le Club Med.

“Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays” . Ces mots, prononcés par John Fitzgerald Kennedy lors de son discours  d’investiture le 20 Janvier 1961 sont restés dans l’Histoire. Le nouveau président des États-Unis cherchait alors à mobiliser ses compatriotes autour des valeurs démocratiques face à la menace du bloc soviétique.

 

 

Depuis, la citation en est venue à résumer, à elle seule, une approche de la solidarité à l’américaine, plus ascendante et participative qu’en France. Ce qui résonne fortement aujourd’hui avec la situation sanitaire post pandémie de Covid-19.

Dans l’entreprise, le télétravail a reconfiguré les relations entre salarié.e.s.

Les temps d’échanges passés à la machine à café, à la cantine, n’existent plus. Il faut alors trouver un moyen de garder le lien. Ce qui n’est pas chose facile dans un monde où l’“égosystème” (la compétition plus que la coopération) prime trop souvent sur l’écosystème.

Ma discussion avec Olivier Rozier m’a fait réfléchir sur la manière dont on formule le feedback en Europe. Et comment on pourrait s’inspirer de l’approche américaine, tant il me semble qu’aujourd’hui, plus personne ne prend le temps de donner de son temps à l’autre.

Les formations et autres conseils en management et leadership ont tendance à l’oublier, mais le temps que l’on consacre à l’autre est source de mieux-être pour soi, pour l’autre et pour le collectif.

Donner du feedback, c’est accorder du temps gratuit pour que ses collaborateurs progressent et se développent personnellement.

 

  • Encourager les réussites plutôt qu’insister sur les échecs

Reste à le formuler de la bonne manière.

Les Américains ont culturellement un état d’esprit positif. Ils ont besoin de donner du punch et de l’encouragement, et n’hésitent pas à adopter une lecture plus émotionnelle que rationnelle de la prestation d’un collaborateur”, estime Olivier Rozier.

Ce point est important : un article de la Harvard Business Review intitulé “The Feedback Fallacy” publié en 2019 (également disponible en français) nous invitait à revoir notre manière de donner du feedback. En soulignant les points positifs et les réussites des collaborateurs, plutôt qu’en mettant l’accent sur les manquements, difficultés ou échecs.

Cela est dû au fonctionnement de notre cerveau, qui se développe davantage là où il est le plus fort :

    • la critique négative active le système nerveux sympathique qui engendre une situation de stress pour l’individu ;
    • tandis que la critique positive active le système parasympathique, qui facilite un état d’esprit tourné vers l’apprentissage.

 

  • Commencez toujours votre feedback par un light check-in

Pour donner un bon feedback, Olivier Rozier m’explique qu’il commence toujours par un “light check-in”.

Avant de demander aux membres de son équipe quel travail ils ont accompli et quelles étaient leurs difficultés éventuelles, il commence par demander à chacun comment il se sent. Cela lui permet de sonder son niveau d’énergie.

A l’heure où le télétravail, qui peut avoir pour effet de nous isoler, devient la norme, cette simple prise de température permet de recréer du lien entre individus, et de favoriser l’engagement de chacun.

En échangeant plus longuement avec lui, nous avons partagé l’hypothèse que si la culture du feedback constructif était plus répandue outre-Atlantique, c’est peut-être parce que celle du “give back” (donner en retour, en français) la précédait :

Très tôt les jeunes Américain.e.s sont tenu.e.s d’allouer dans leur scolarité du temps à la communauté avec des missions d’intérêt général. 

On leur apprend aussi davantage à travailler en groupe. Résultat : une dynamique collective affirmée.

Certains collaborateurs forment spontanément des comités pour créer des événements, célébrer des anniversaires, Thanksgiving, distribuer des repas aux sans-abris, rendre visites à des enfants hospitalisés… Tout cela n’est pas impulsé par les ressources humaines mais par les personnes elles-mêmes”.

 

  • Le give back, ou comment se rendre disponible pour l’autre

Puisque les managers passent du temps à donner leur feedback, pourquoi les managés ne redonneraient pas eux aussi de leur temps ?

Adopter la culture du give back ne nécessite pas d’échafauder des plans complexes de RSE. Ni de lancer une fondation d’entreprise. Mais simplement de se rendre disponible pour l’autre.

Cela concerne aussi bien les managers que les managés, qui pourraient davantage aider leurs collègues qui traversent des difficultés. Il est temps de rendre à l’autre et à la société ce qu’elle nous a donné. Let’s all give back !